Jérôme Goslin et Yves le Bras
« Plus que jamais nous vivons dans une culture imposant l’utilisation efficace du temps. La reconnaissance d’un temps « vide » se limite principalement à celui de recharge et de décompression pour pouvoir accélérer encore plus par la suite.
L’attente fait partie des expériences temporelles de la vie quotidienne.
Elle se teinte parfois d’espérance et même du bonheur anticipé de l’événement attendu. Étant tournée vers un événement non advenu, l’attente est cependant chargée d’incertitude et d’appréhension. Seulement parfois, l’attente se conjugue aussi au calme, à la quiétude lorsqu’aucun évènement extérieur ne vient perturber cette « île au milieu d’un océan ».
C’est alors à un temps en absence, en attente, un entre-deux où l’esprit peut divaguer, se reposer, rêver que celui ou celle qui l’expérimente fait face.
Cette exposition aurait pu s’appeler « Seuls ».
Seuls face à ses propres questionnements de fond dans un environnement naturel et isolé que l’on choisit souvent pour les affronter.
Seuls face à la mort et l’incommensurable questionnement qui l’accompagne souvent. Mais aussi seuls, au réveil dans la nuit, face à la quiétude d’un rideau ou d’une cuisine qui nous apaisent sans que l’on sache vraiment pourquoi.
Dans l’attente, il y a l’absence de l’évènement attendu ou de l’autre. L’on se trouve dans un temps « vide » où le ou la photographe a sa place puisqu’il ou elle est seul.e à prendre la photographie.
L’absence de l’autre est ici visible à deux exceptions prêts où l’on voit le visage d’un homme qui induit le sentiment de mélancolie, d’une perte, d’un entre-deux, d’une latence dans le temps qui passe et d’une femme seule avec son chien, regardant ailleurs.
Les éléments sont volontairement mis en avant : leur stature de choses, le vent, la lumière sont autant d’éléments qui nous accompagnent dans la solitude de l’attente. Nous sommes alors en présence de nous-même et dans la présence des éléments.
La dimension poétique prend sa place dans l’observation des choses et de soi-même et dans l’émerveillement que peut induire cette dernière. Poésie de l’objet, poésie du paysage,
poésie de l’attente.
Dans un entre-deux où le calme et l’espoir se conjuguent, c’est à un inconnu bienveillant avec qui celui ou celle qui attend fait la rencontre. »
Yves le Bras.